
Ambroise Croizat (1901 – 1951)
Ouvrier ajusteur dès l’âge de 13 ans, il adhère très tôt à la CGT et devient en 1928 secrétaire de la Fédération des métaux de la CGT «unitaire». Il est élu député PCF de la Seine en 1936, Emprisonné de 1939 à 1943, il est réélu député en 1945, préside la commission du travail et des affaires sociales au moment de l’adoption de l’avis 507, et est nommé le 21 novembre 1945 ministre du Travail en remplacement d’Alexandre Parodi.
En dix-huit mois, Croizat dépose de nombreux projets de loi, allant de la représentation syndicale à la médecine du travail, en passant par les divers risques couverts par la Sécurité sociale.
La loi du 22 mai 1946 :
Les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 prévoyaient une organisation pour tous les travailleurs. La loi du 22 mai 1946 prévoit une organisation « pour tous les français ».
Art1 – « Tout Français résidant sur le territoire de la France métropolitaine bénéficie, sous réserve des dispositions prévues à l’article 29 de la présente loi, des législations sur la Sécurité sociale
et est soumis aux obligations prévues par ces législations dans les conditions de la présente loi. »
Il en va de même pour les fonctionnaires !
Dans son rapport devant le CCN de la CGT en janvier 1947, Henri Raynaud exprime une position qui est sans appel :
« On sait que par leur statut les fonctionnaires jouissent d’avantages qui, particulièrement en matière de retraite, sont supérieurs au régime accordé par la Sécurité sociale (…) Le problème de la rentrée des fonctionnaires dans la Sécurité sociale se pose très simplement. Il s’agit d’accorder aux fonctionnaires les avantages de la Sécurité sociale, dont ils étaient privés, sans leur retirer aucun des avantages de leur statut. C’est net, sans bavure. Aucun de leurs avantages acquis n’est, ni ne peut être menacé. »
Pour ce qui concerne les régimes spéciaux, l’article 29 prévoit leur maintien et pour cause !
C’est par la grève, par la lutte des classes que les premiers acquis sociaux ont été arrachés par les mineurs et les cheminots, avec pour les mettre en œuvre une organisation spécifique.
Ces régimes «pionniers», dont les avantages sont supérieurs à ceux de la Sécurité sociale, ne peuvent pas être remis en question. Il en va de même pour les fonctionnaires, dont les droits sont
intangibles.
Malgré une opposition farouche du patronat, la loi du 30 octobre 1946 intègre les textes relatifs aux accidents du travail et aux maladies professionnelles dans la législation de la Sécurité sociale. Il s’agit d’une avancée majeure pour les travailleurs, puisque la réparation des AT/MP devenait un droit collectif, indépendant de l’entreprise et de ses assureurs privés.
Afin de contrer les attaques de la droite et de la mutualité pour ralentir l’adoption de la loi, Ambroise Croizat prend la parole à l’Assemblée le 8 août 1946 pour en présenter « l’ampleur », et la définir comme «l’instrument de tous les progrès sociaux qui doivent, dans l’avenir, se réaliser ».
Ambroise Croizat évoque dans son discours de 1946 ce que la Sécurité sociale apporte concrètement : « un assuré tombant malade et devant subir l’opération de l’appendicite devait, dans le régime ancien, débourser pour ces jours perdus et pour son opération 5980 francs et on lui en remboursait 3450 c’est-à-dire qu’il devait, tout en versant ses cotisations payer de sa poche 2440 francs.
Aujourd’hui, à un assuré identique, atteint de la même maladie rendant nécessaire la même opération, la dépense résultant des soins et de l’opération coûte 9110 francs. La caisse lui rembourse 8978 francs, ce qui revient à dire que, depuis l’instauration de la Sécurité sociale, alors que la participation de l’assuré aux frais était dans le régime ancien, de 40%, elle est aujourd’hui ramenée à 1,5%»