Les notes de Paul
Paul Desaigues est administrateur CGT du Fongecif Occitanie. Il nous livre dans ses notes, ses réflexions et avis sur l’actualité de la formation professionnelle principalement au travers du prisme de la future transformation des Fongecif en CPIR (Commission Paritaire Interprofessionnelle Régionale) chargée du financement du Projet de Transition Professionnelle (PTP) dans le cadre de la Loi dite « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel ». Les avis et analyses exprimés dans ces notes n’engagent que son auteur.Ils n’ont pour objet que d’alimenter le débat et les échanges sur les enjeux de la formation professionnelle que la Loi livre ouvertement à la marchandisation. Ces notes sont adaptées pour une publication la plus large, avec l’accord de leur auteur, par les référents, au sein de la Fédération Nationale des Personnels des Organismes Sociaux, du collectif des syndiqués CGT OpCo/CPIR.
Bonjour,
Lorsque la loi a été votée certains ont pu estimer que le Projet de Transition Professionnelle (PTP) ressemblait beaucoup au Congé Individuel de Formation (CIF). Il semblait même aller plus loin que le CIF puisque la durée de la formation n’est plus limitée, permettant un projet de transition sur des formations longues comme une licence ou un diplôme d’infirmière.
Un PTP trompeur, un CIF dégradé !
Les apparences étaient bien trompeuses puisque le PTP est strictement limité aux changements de métier ou de profession. Les représentants du collège patronal en déduisant immédiatement que l’objet du PTP est l’emploi. Bien entendu l’emploi sous lien de subordination et surtout générateur de revenus. Nous aurons besoin de faire preuve de beaucoup de pédagogie pour faire entendre à nos interlocuteurs que le changement de métier ou de profession n’impose en rien de viser un emploi rémunéré. Je prétend que tous les emplois bénévoles peuvent être l’horizon d’un PTP(1).
Il est possible de dire que le PTP ressemble au CIF mais il est beaucoup plus borné en éliminant la possibilité d’une simple montée en qualification ou une ouverture à la vie sociale et culturelle. Le PTP est donc un CIF dégradé.
Des financements largement réduits
Mais il y a pire. Le jaune budgétaire Formation Professionnelle 2019 contient un récapitulatif de la collecte 2018 (sur la base des masses salariales 2017). On y découvre que la collecte CIF (CDI et CDD) correspondant à la masse salariale 2017 était de 1.143.369.693€ (cf page 170 du document). Le financement du PTP pour l’année 2019 a été annoncé par France Compétences une fois adopté par son CA selon les règles issues de la loi du 5 septembre 2018. En 2019 le financement du PTP s’élève à 516.049.214€, soit 45% du financement du CIF en 2017. Les masses salariales ayant augmenté de l’ordre de 3% l’an selon l’INSEE nous assistons donc à une baisse de près de 60% du financement du remplaçant du CIF. La ministre a beau jeu de claironner partout que chaque salarié peut dorénavant choisir librement son avenir professionnel, le nombre de celles et ceux qui le pourront réellement en bénéficiant du financement de leur projet dégringole en 2019.
Une baisse continue
Et il y a encore pire! Bien des personnes se rassurent en constatant qu’en 2019 France Compétences pouvait choisir un pourcentage des ressources dont il dispose dans une fourchette allant de 38 à 44%. Ayant choisi 39% pour 2019, après un débat serré au CA de France Compétences, il est possible – on peut l’espérer au moins – que cela soit mieux pour 2020. Mais c’est oublier les textes régissant France Compétences. Non contente de ponctionner au moins 1,5 milliards(2) par an sur les obligations de financement de la formation professionnelle imposées aux entreprises, la loi a d’ores et déjà prévu l’évolution de la fourchette de financement du PTP dans laquelle le CA de France Compétences devra décider. Si en 2019 ladite fourchette va de 38 à 44%, pour 2020 elle ira de 16 à 21% et à partir de 2021(3) elle ne sera plus que de 5 à 10%. Donc la fourchette baisse nettement.
Oui mais avec une modification de l’assiette de calcul. Il faut donc réaliser une estimation de ce que sera le financement du PTP une fois installée la réforme 2018. Même en prenant le maximum de la fourchette (10%) le financement du PTP en 2022 devrait être inférieur à 360 millions d’euros.
A comparer au financement du CIF pour 2017: 1.143.369.963€. Un financement de moins d’un tiers de ce qui existait pour le CIF. Quand on sait qu’environ un dossier sur deux pouvait être financé. Ce n’est plus une dégringolade. C’est un écroulement dramatique aussi bien pour les salariés qui seront beaucoup moins nombreux à pouvoir bénéficier d’une formation longue permettant de changer de métier ou de profession, que pour l’appareil de production du pays qui doit pourtant d’urgence assumer les transitions énergétiques, environnementales, générationnelles,..
Ci joint le tableau récapitulant les chiffres avec les données concernant l’association FONGECIF Occitanie qui deviendra Transition Pro Occitanie le 1er janvier 2020 (la CPIR de ma région) sans savoir comment assumer l’ensemble des fonctions que la loi lui a assignées sans réduire encore plus le volume de financement des PTP
(1) je suis cuisiner et je contribue aux resto du cœur, notamment dans le cadre du métier que je connais bien. Le resto a besoin d’un comptable (bénévole bien entendu) et n’arrive pas à en trouver un-e afin de succéder à la personne qui assure cette fonction depuis longtemps et souhaite faire autre chose. Je dépose une demande de financement de PTP visant un CAP d’aide comptable. Je vise bien un changement de métier. Ma formation est bien certifiante (elle est même diplômante). J’ai l’ancienneté requise et je suis en possession du positionnement réalisé par l’organisme qui devrait assurer ma formation. Enfin je viens d’obtenir l’autorisation d’absence de mon employeur (mais faute de cette autorisation j’étais prêt à suivre la formation hors temps de travail). Tous les ingrédients sont au rendez-vous pour que le FONGECIF (substitut de CPIR en 2019 – excusez « Transition Pro Occitanie ») accepte mon dossier et finance ma formation. Oui, je sais, je vais liquider la totalité des ressources dont je dispose dans mon CPF. Mais le resto vaut bien ça !
(2) 1,532 en 2019; 1,581 en 2020; 1,632 en 2021 et 1,684 en 2022 inscrits en dur dans les textes
(3) année à partir de laquelle la collecte des obligations de financement par les entreprises sera réalisée par les URSSAF et la mutualité agricole selon les mêmes principes que les autres cotisations sociales. Une opportunité pour relancer la réflexion sur la sécurité sociale professionnelle, une mutualisation des moyens, propriété des salariés et gérée par eux. Revenir aux fondements de la sécurité sociale pensée par le Conseil National de la Résistance.