La note de Paul – 7 Mai 2019

Appel d’offres CEP et avenir des CPIR : Des inquiétudes !
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Les notes de Paul

Paul Desaigues est administrateur CGT du Fongecif Occitanie. Il nous livre dans ses notes, ses réflexions et avis sur l’actualité de la formation professionnelle principalement au travers du prisme de la future transformation des Fongecif en CPIR (Commission Paritaire Interprofessionnelle Régionale) chargée du financement du Projet de Transition Professionnelle (PTP) dans le cadre de la Loi dite « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel ». Les avis et analyses exprimés dans ces notes n’engagent que son auteur.Ils n’ont pour objet que d’alimenter le débat et les échanges sur les enjeux de la formation professionnelle que la Loi livre ouvertement à la marchandisation. Ces notes sont adaptées pour une publication la plus large, avec l’accord de leur auteur, par les référents, au sein de la Fédération Nationale des Personnels des Organismes Sociaux, du collectif des syndiqués CGT OpCo/CPIR.

Bonjour,

A la suite de l’interview de T. Tourlan (CGT) publié par l’AEF le 6 mai 2019. J’en profite pour vous proposer la lecture d’une tribune de Jean Marie Luttringer sur les OpCo (jointe en bas de page) et les anomalies liées à leur conception comme leur construction. Selon lui, et il fait référence dans le domaine juridique de la formation professionnelle, la personnalité morale des OpCo n’ayant pas été construite suffisamment tôt l’agrément donné par la DGEFP ne vaut rien. Risque qui attend les CPIR si nous ne sommes pas vigilants.

Agir collectivement

Mais je reviens à l’interview dans laquelle la souffrance des salariés des FONGECIF(1), qu’ils soient en charge du CEP ou de la gestion des dossiers, est parfaitement décrite. La tonalité de l’interview laisse entendre (c’est du moins ainsi que je l’ai ressentie) que tout le monde doit attendre le bon vouloir de la DGEFP, donc du ministère, voire de la ministre.

Je pense au contraire que nous devons formuler nos revendications sans attendre le bon vouloir des pouvoirs publics. Puis, si cela s’avère nécessaire agir collectivement afin de faire aboutir nos revendications. Et dans le « nous » j’inclus aussi bien les centrales syndicales, les administratrices-teurs CGT des FONGECIF (si possible avec les représentants des autres organisations de salariés) et, bien entendu, les salariés des FONGECIF. 

CPIR : Des incertitudes et des marges de manœuvres limitées

Thierry Tourlan dit que nous ne savons pas encore ce que sera le budget de la future CPIR. Il a raison puisque les frais de fonctionnement sont le fruit d’une négociation de la représentation paritaire de l’association avec les autorités. Avec la DGEFP jusque là mais avec le préfet de région selon la loi du 5 septembre 2018 pour la CPIR. L’ANI devant définir les modalités de fonctionnement et de gestion des CPIR a été bien au delà de la commande passée par la loi. Il prétend installer une association loi de 1901 nationale et paritaire comme interlocutrice privilégiée de France Compétences et de l’État en substitution des CPIR. Mais la loi ne le lui permet pas! Il prétend donner des missions supplémentaires aux CPIR. Mais rien ne lui permet cela légalement.

Certains voudraient asseoir le fonctionnement de cette association sur une « cotisation » des CPIR mais c’est impossible car les CPIR gèreront des fonds à teneur d’impôt ce qui impose de détenir un agrément pour ce faire. Je pense que dans le domaine il importe de ne pas confondre la volonté de certains de reconstruire un successeur au COPANEF (instance supprimée de la loi par la réforme) et le cadre légal de notre pays.

Une transition Fongecif / CPIR bousculée par l’ANI

Ce dont nous sommes certains c’est que les CPIR verront le jour le 1er janvier 2020. Que d’ici là les représentants des organisations fondatrices des FONGECIF devront avoir modifié leurs statuts et les avoir déposés, afin de pouvoir disposer de l’agrément leur permettant de fonctionner au 1er janvier 2020. Et ces représentants sont les comités régionaux (CGT pour ce qui nous concerne). Ces statuts doivent impérativement intégrer les décisions découlant de la loi. Pas plus, faute de quoi l’association pourrait ne pas obtenir l’agrément.

Donc, ce qui va au delà de la loi et a été introduit dans l’ANI doit faire l’objet d’une demande aux autorités afin qu’elles mobilisent les leviers légaux normaux pour faire évoluer le cadre légal. Faute de ce processus ce qui va au delà de la loi dans l’ANI n’aura aucune valeur juridique et ne s’imposera à personne. 

Frais de fonctionnement : Il faut répondre aux besoins !

Ce dont nous sommes aussi certains c’est que l’association va devoir négocier le niveau de ses frais de fonctionnement pour 2020-2021 et 2022 avec le préfet de région. Pour préparer cet exercice il est urgent de calibrer l’effectif et les moyens nécessaires pour pouvoir remplir l’ensemble des missions que la loi a donné aux CPIR. Et, comme Thierry le souligne dans l’interview, il y a de nouvelles missions pour lesquelles il est délicat de dimensionner le besoin en effectif. Pour préparer la négociation il ne faut pas savoir combien nous alloueront les autorités mais de combien de frais de fonctionnement nous aurons besoin. Et pas en pourcentage des ressources affectées mais en montant car le décrochage majeur opéré sur le financement du PTP versus celui du CIF imposerait des conditions de travail insupportables, voire empêcherait d’assurer les missions de la CPIR, si jamais le pourcentage était maintenu à un niveau comparable à aujourd’hui. En fin de texte je reprends quelques chiffres montrant la réalité 2020-2021-2022 et les enjeux.

Objectif CGT : Zéro perte d’emploi !

Au vu de ce qui précède je pense que les personnels des FONGECIF doivent s’organiser pour réfléchir eux même sur le niveau des besoins sans attendre leur direction ou les travaux nationaux dans lesquels le travail, notamment en terme d’emploi, se réalise sous pression de la DGEFP et dans le cadre d’une attrition de moyens.

Pour rappel le plan RH que l’intersyndicale avait communiqué à l’AEF comportait 350 suppressions d’emploi sous diverses formes allant du départ « volontaire » anticipé à la retraite, au passage en auto entreprenariat, au chèque valise ou encore au licenciement pur et simple. Autant de solutions que le collège patronal soutient en s’appuyant sur les travaux RH pilotés par la directrice du FONGECIF Occitanie, ex présidente de l’ANDRH Midi Pyrénées. Je persiste à considérer que la CGT doit porter la revendication de zéro perte d’emploi. Et cette revendication devrait être portée par les personnels des FONGECIF mais aussi par le collège salariés du CA. L’expertise des salariés est reconnue. Elle est socialement indispensable pour les bénéficiaires dans toutes les régions.


Analyse des moyens financiers

Une rapide approche financière pour appréhender les enjeux et le contexte dans lequel nous devrons négocier les frais de fonctionnement:

  • Les décrets attachés à la loi prévoient une ponction sur la collecte de l’obligation de financement de la formation imposée aux entreprises. Nous avions connu par le passé des ponctions sur les fonds mutualisés au plan national (plusieurs fois 300M€ pris sur les ressources du FPSPP). Mais cette fois le législateur a été bien plus loin (et bien plus fort) en prévoyant un montant automatiquement déduit du financement de la formation professionnelle des salariés pour alimenter le PIC (Plan d’Investissement dans les Compétences) dédié aux privés d’emploi. Ainsi il est prévu dans les textes une ponction de 6,4 milliards d’euros en quatre ans:
    • 532.000.000 € en 2019
    • 581.000.000 € en 2020
    • 632.000.000 € en 2021
    • 684.000.000 € en 2022
  • On constate que ces sommes évoluent d’un peu plus de 3% par an. Or les estimations de l’INSEE sur l’évolution de la masse salariale sont du même ordre. Il est donc possible d’estimer la collecte que recevrait France Compétences pour les années 2020, 2021 et 2022, aucune augmentation de contribution des entreprises n’étant aujourd’hui envisagée
  • Les textes ont aussi défini la fourchette de pourcentage dans laquelle le CA de France Compétences pourra notamment décider du financement du Projet de Transition Professionnelle (PTP), sachant que pour 2019 cette fourchette va de 30 à 44% des ressources de France Compétences:
    • 16 à 21% en 2020
    • 5 à 10% en 2021 et les années suivantes
  • Avec, il est vrai, un changement majeur d’assiette de calcul en 2021 lorsque l’URSSAF assurera la collecte en remplacement des OPCO. De ces estimations il est facile d’estimer la fourchette de financement du PTP:
    • entre 247.956.834 € et 325.443.345 € en 2020 (alors que le financement 2019 est de 516.049.214 €)
    • entre 171.854.096 € et 343.708.193 € en 2021
    • entre 177.339.282 € et 354.678.564 € en 2022
  • Si l’on considère que les FONGECIF fonctionnent sur la base d’un taux de frais de fonctionnement de 10% (9,55% pour le FONGECIF Occitanie) et que ce taux resterait en vigueur cela voudrait dire que les frais de fonctionnement baisseraient de près de 40% d’ici 2021 (je raisonne exclusivement sur les chiffres concernant le PTP(2). 

Passage du CIF au PTP : 3 à 5 fois moins de moyens disponibles !

Il n’est donc pas possible de limiter nos revendications à ces estimations en termes de frais de fonctionnement. D’autant que les missions de la CPIR sont bien plus nombreuses que celles de l’actuel FONGECIF, même une fois retiré le CEP. Nous devons gagner un chiffrage sérieux intégrant à la fois le nombre de salariés nécessaires et le maintien des conditions d’emploi, pour assurer les missions dévolues à la CPIR.

Pour compléter le tableau il faut savoir que la collecte CIF sur la masse salariale 2017, publiée dans le jaune budgétaire formation 2019, était de 1.143.369.693 €. Si l’on déduit les frais de fonctionnement accordés au FONGECIF pour financer le CEP(3) nous constatons que le financement du CIF était de l’ordre de 1.086.200.000 € quand celui du PTP pourrait s’établir entre 177 et 355M€, soit une baisse entre -83,7% et -67,3%. Le tout, frais de fonctionnement inclus. 

Il est donc indispensable de raisonner en termes de besoins au regard des missions que la loi a confié à la CPIR et surtout pas en pourcentage du financement du PTP.

(1) je pense que nous devrions associer à l’inquiétude des salariés des FONGECIF celle des salariés des OPACIF qui continuent cette année à délivrer le CEP sans avoir aucun horizon sur leur avenir

(2) le CEP étant gratuit pour les bénéficiaires la totalité de son financement représente des frais de fonctionnement. C’est d’ailleurs ce qu’a confirmé la DGEFP aux direction des FONGECIF

(3) environ 50% des frais de fonctionnement financent le CEP (vérifier avec les chiffres de la COM). Il ne faut donc enlever du financement du CIF, frais de fonctionnement inclus, que la moitié des 10%, soit 5%

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