Décryptage du texte définitif avec les modifications et une nouvelle numérotation par rapport au texte issu du premier vote à l’Assemblée nationale le 9 décembre.
Un PLFSS voté sur fond de manœuvres politiciennes
Derrière de basses stratégies politiciennes et à quelques voix près le Projet de loi de la Sécurité Social vient d’être voté ce mardi 16 décembre. Un nouveau PLFSS désastreux qui continue et accélère la détérioration de notre système de Sécurité sociale et notre système de santé.
Contrairement à la propagande gouvernementale l’austérité de ce PLFSS n’est pas le résultat d’une hausse des « dépenses », en santé, retraite, autonomie…mais bien le résultat des recettes asséchées années après années par des gouvernements qui n’ont qu’un objectif la fin des cotisations sociales au profit du patronat. Ce sont plus de 88 milliards que représentent les exonérations de cotisations sociales en 2025 qui vont directement dans les poches du patronat.
Le déficit : un outil idéologique au service du capital
Le déficit affiché dans ce PLFSS est de 19 milliards en 2026 dont 16,4 milliards vont être cette année encore transférés (article 48) à la CADES (Caisse d’amortissement de la dette sociale).
La CADES a été fabriquée de toute pièce pour d’une part alimenter la propagande des différents gouvernements sur le fameux « trou de la Sécurité sociale » et d’autre part détourner les recettes de la Sécurité Sociale pour alimenter les marchés financiers.
Ce PLFSS ne déroge pas à ces choix politiques avec l’article 21 qui étend les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires aux entreprises de plus de 250 salariés.
Les cadeaux aux grandes entreprises continuent.
Il s’agit là d’une pierre de plus à une remise en cause profonde du financement de la Sécurité sociale par les cotisations sociales afin de les remplacer par l’impôt à travers la CSG ou par la TVA, impôt injuste et financé exclusivement par les assurés.
Un changement de modèle assumé : vers la fin de la Sécu de 1945
Ce PLFSS contribue à la mort de la Sécurité sociale issue de 1945 voulu par le patronat pour la remplacer par un système à deux niveaux :
• Un système étatisé avec des minima sociaux forfaitisés et ce PLFSS témoigne d’une main mise de l’Etat sur la Sécurité sociale de plus en plus forte.
• Un système de type assurantiel sur la partie contributive comme les rentes AT MP ou encore les retraites, avec la mise en place de système à points ou à rendement définis accolés à des systèmes de capitalisation individuel, chers et risqués.
Comme nous allons le voir c’est dans le domaine de la retraite que ce PLFSS marque le changement de modèle social auquel S. Lecornu de concert avec le patronat aspire tant.
Derrière l’enfumage autour de la fausse suspension des retraites, toutes les mesures votées dans ce PLFSS modifient en profondeurs certains dispositifs afin de les rendre compatible avec un système à points. Ce PLFSS de régression sociale prépare et accompagne la conférence sociale sur les retraites et l’emploi qui vient de démarrer et annonce déjà un massacre pour les retraites et le code du travail.
Décryptage de ce PLFSS qui entérine des reculs sociaux majeurs dans tous les secteurs :
Santé : rationnement, inégalités et bascule assurantielle
Avec un ONDAM à 3%, inférieur à celui de l’an passé qui était de 3,6% le gouvernement impose de nouvelles coupes budgétaires drastiques au système de santé et en particulier à l’hôpital déjà à l’asphyxie avec des conditions de prise en charge pour les malades et de travail pour les soignants épouvantables.
Mais le cynisme de ce PLFSS ne s’arrête pas là avec L’article 79 intitulé « Favoriser l’efficience, la pertinence et la qualité des activités des établissement » qui instaure une véritable incitation financière aux hôpitaux qui réduiront le plus les actes et les prescriptions. Alors qu’ils manquent déjà de tout, cet article va les pousser sous le dictat des ARS, dans une logique de rationnement plutôt que dans une logique d’amélioration de la qualité de la prise en charge des malades.
Ce PLFSS comme les précédents, creuse un peu plus les inégalités face à l’accès à la santé au travers de plusieurs mesures telle que :
• L’article-54 qui va exclure les malades atteints d’une affection longue durée (ALD) comme par exemple les diabétiques de la prise en charge à 100% de leur soin en les faisant basculer dans un nouveau dispositif qui s’intitule : «parcours d’accompagnement préventif».
Sous couvert de prévention, ce sont les malades qui ont le plus besoin de soins à qui ce gouvernement et leurs alliés suppriment les droits. C’est un recul social majeur.
Cette mesure marque un basculement vers une logique assurantielle. L’ augmentation du reste à charge pour les malades en ALD aura mécaniquement des répercussions sur le coût des complémentaires santé, les assureurs raisonnant en termes de risque et de rentabilité. Les personnes les plus malades paieront donc davantage, ou renonceront à se soigner.
• L’article-13 impose une taxation de 2,05% sur les complémentaires santé comme les mutuelles, avec pour conséquence directe une augmentation des cotisations pour les assurés. Cette mesure va pousser un nombre important d’assurés et en particulier de retraités dont les contrats de mutuelle augmentent avec l’âge à ne plus pouvoir financer ces complémentaires et de fait à ne plus pouvoir se soigner.
Alors que ce PLFSS s’attaque aux malades il fait une fois de plus, comme en 2024 et 2025, de nouveaux cadeaux aux laboratoires pharmaceutiques à travers la « clause de sauvegarde» (Art-28)
Arrêts maladie, AT/MP : des droits méthodiquement démantelés
• L’article 81, limite à 4 ans les arrêts dans le cadre d’un accident de travail ou une maladie professionnelle alors qu’il n’existe aujourd’hui aucune limite. Cette limitation va précipiter les victimes vers une consolidation de leur AT/MP et une indemnisation par une rente pour incapacité bien plus faible. Cette mesure est une attaque sans précédent contre les victimes d’accidents du travail et maladies professionnelles alors même que la sous déclaration des AT/MP explose et que la France a battu le triste record en 2024 des morts au travail avec 764 décès.
• Cet article 81 limite également les arrêts maladie à 30 jours et à 2 mois si le malade est hospitalisé. Là encore tout est fait pour remettre en question les droits des travailleurs à ne pas travailler lorsqu’ils sont malades.
• L’article 81, supprime par ailleurs, l’avis du médecin du travail pour une reprise après un congé maternité, ce qui est un recul majeur par rapport à la santé des femmes.
• L’article 83 est également préoccupant pour les malades dont l’état de santé nécessite une évaluation de l’incapacité et un passage en invalidité puisqu’il ferait glisser cette évaluation des médecins conseils de la Sécurité sociale vers les médecins du travail liés à l’employeur.
Cette mesure est dans la continuité de la loi de financement de 2025 qui, malgré l’opposition des salariés, a démantelé le service médical de la Sécurité sociale et mis fin à l’indépendance des médecins conseils. Cet article 83 va également dans le sens d’un décret de 2024 qui donne la main au médecin de l’employeur pour le contrôle des arrêts de travail en maladie.
• L’article 96 quant à lui, reporte au 1er janvier 2027 la réforme désastreuse des rentes AT/MP actée dans le PLFSS 2025. Cette réforme est le résultat de la transposition de l’ANI sur les AT/MP de 2023 qui rend caduque une décision de la cour de cassation de 2023 favorable aux victimes d’AT/MP dans le cadre de la faute inexcusable de l’employeur.
Pour ces victimes c’est la double peine :
• D’une part elles ne pourraient plus aller en justice afin d’obtenir une indemnisation complémentaire à leur rente souvent insuffisante.
• D’autre part, avec ce PLFSS, la prise en charge qui jusqu’à présent n’avait pas de limite financière dans ce que pouvait verser l’employeur, puisqu’il y avait faute inexcusable de sa part, serait en partie forfaitisée et donc limitée et amoindrie. C’est un recul sans précédent pour les victimes d’AT/MP dans le cadre de la faute inexcusable de l’employeur !
Enfin, le patronat profite de la mise en place de cette réforme pour imposer un système à points pour le calcul des rente AT/MP!!!!
Autonomie et handicap : la logique comptable à l’œuvre
• L’article 90 représente là encore un recul majeur puisque le gouvernement prévoit d’appliquer aux établissements du médicaux sociaux accompagnant des enfants et des jeunes personnes en situation de handicap, les mêmes règles de rationalisation appliquées à l’hôpital depuis des années, à travers le paiement à l’acte. Cette mesure à l’image des ravages qu’a fait le paiement à l’acte dans les hôpitaux est une mesure désastreuse pour ce secteur qui nécessite au contraire plus de moyen pour accompagner correctement ces jeunes. Cette mesure s’inscrit dans le cadre de la réforme “Serafin-PH” (Réforme pour une Adéquation des Financements au parcours des personnes handicapées”).
• L’article 38 du précédent texte qui réduisait les droits des personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie, avec la mise en place d’un principe de subsidiarité entre l’APA, la PCH et les indemnisations d’assurance est supprimé.
Retraites : le PLFSS comme laboratoire du système à points
• L’article 105 est consacré à l’escroquerie du gouvernement et du partie socialiste sur la réforme des retraites de 2023 qui n’est ni abrogée, ni suspendue. Elle est juste décalée de 3 mois. En votant l’article 105, le camp marconiste et le parti socialiste ont au contraire voté et entériné la retraite à 64 ans, ce qui n’a rien d’anodin au moment même où débute la conférence sociale sur les retraites et l’emploi dont l’ordre du jour inclus le changement de système de retraite.
Cette conférence sur les retraites est un piège afin de faire cautionner par les organisations syndicales un changement radical de système de retraite et imposer au final un système de retraite à points, largement rejeté par la population en 2019. La CFDT milite d’ailleurs pour ça en vantant les mérites d’un « système à la carte ».
• Les mesures de ce PLFSS vont toutes dans ce sens comme l’article 102 sur le cumul emploi retraite qui diminue la pension de retraite en fonction du salaire perçu et de l’âge du salarié/retraité. Cette mesure va dans le sens du discours de politique générale de Sébastien Lecornu qui parle du changement de modèle social visé, à savoir que la retraite ne doit plus correspondre à la fin de l’activité professionnelle. Pour le camp gouvernemental, la pension de retraite doit venir juste compenser la perte de salaire occasionné par le vieillissement des salariés qui sont de fait moins productif. Un système de retraite à points rentre parfaitement dans ce cadre puisqu’il baisse de façon automatique le niveau des pensions des retraites et pousse les salariés à ne jamais arrêter de travailler.
• Avant 64 ans : un écrêtement de la pension de retraite à hauteur de 100% des revenus en cas de reprise d’activité, au prétexte d’inciter à se tourner vers le dispositif de retraite progressive. Pas de création de droits nouveaux à la retraite.
• Entre 64 ans et 67 ans (âge d’annulation de la décote) : un cumul partiel de la pension et du revenu d’activité, au-delà d’un seuil annuel devant être fixé par décret (l’exposé des motifs évoque 7000€ annuels). Au-delà du seuil, la pension sera écrêtée de 50% des revenus. Pas de création de droits nouveaux à la retraite.
• Après 67 ans : cumul intégral avec création de droits nouveaux à la retraite.
Le gouvernement enfonce le clou avec l’article 11 qui instaure un malus sur les cotisations vieillesse pour les entreprises de 300 salariés et plus qui n’ont pas d’accord ou de plan d’action pour l’emploi des seniors. Tout est fait pour que les salariés travaillent toujours plus longtemps !!!
Enfin sur la question d’hypothétiques droits accordés aux femmes dans l’article 104 (mesures issues du conclave). Les prétendues avancées sont purement cosmétiques avec des gains marginaux, exclusion des carrières hachées, affichage politique sans effet réel. Ces mesures ont été retenues car elles permettent de faire de l’affichage pour le gouvernement sans rien coûter. C’est mesures sont honteuses alors que la retraite à 64 ans continue de s’appliquer pour toutes avec une durée de carrière nécessaire au taux plein qui va jusqu’à 43 ans, ce qui est mortel pour les retraites des femmes. Il s’agit donc des deux mesures suivantes:
• La bonification sur la durée d’assurance par la prise en compte de 2 trimestres supplémentaires dans le cadre des carrières longues. Serait concernées au plus 3% de femmes.
• La révision du mode de calcul de la pension en réduisant le nombres d’année nécessaire au calcul du salaire moyen de 25 à 24 pour un enfant et à 23 pour deux enfants . Concrètement cela équivaudrait à une augmentation de 13 à 30 euros pour les mères selon la CNAV, l’abondance !!!
Notons également que cet enfumage autour des droits des femmes en terme de retraite fait partie d’une stratégie gouvernementale qui veut vendre à tout prix la conférence sociale nécessaire afin d’imposer une nouvelle réforme mortelle pour les retraites.
Pour preuve le rapport du COR (conseil d’orientation des retraites) commandé par E. Macron en 2023 dans le but de réformer les droits familiaux et conjugaux et qui vient juste de paraître au 1er décembre. Ce rapport est sans surprise puisque ses deux principales propositions suppriment les 4 trimestres pour enfants et dégrade considérablement la pension de réversion. Ces deux propositions ne sont pas nouvelles puisqu’elles étaient déjà présentent dans le système à points de Delevoye en 2019 !!!
Le danger est donc grand dans la participation des organisations syndicales à cette conférence sociale qui n’a qu’un but : faire cautionner par les organisations syndicales une nouvelle réforme déjà verrouillée et aux conséquences mortelle sur les retraites.
Famille : reculs et enfumage
• Suppression de la majoration des allocations familiales pour les enfants de 14 ans à 18 ans (900 euros) en moins par an.
• L’article 99 met en place à partir d’avril 2027 un “congé supplémentaire de naissance” d’une durée d’un ou deux mois (ne pouvant être fractionné) dont le bénéfice est ouvert à l’issue d’un congé maternité, paternité et d’accueil de l’enfant ou d’adoption. Il est accessible à chaque parent, de manière simultanée ou alternée et sera compensé par des indemnités à hauteur de 70% du salaire le 1er mois, 60% le 2ème mois (un décret doit venir entériner ce niveau d’indemnisation).
La FNPOS CGT condamne fermement ce PLFSS et revendique l’abrogation des Lois de Financement de la Sécurité Sociale qui n’existe que pour mettre à mal la Sécurité sociale issue de 1945.