La stratégie pensée, testée, développée et adaptée au fil des décennies par le patronat suite à mai 68 autour de l’individualisation, de l’organisation « scientifique » du travail, du changement permanent et de la « bonheurisation » a malheureusement porté ses fruits.
1. Le déclin du Syndicalisme
Le nombre de syndiqués CGT n’a cessé de baisser : Il est divisé par 4,5 entre 1968 et 2023
• 2,8 millions en 1968
• 2,4 millions en 1975
• 605 mille en 2023
Parallèlement le nombre de jour de grève recensés par l’inspection du travail diminue drastiquement !
• De 1975 à 1995 (source ministère du travail), ils ont été divisés par 4,5 passant de 3,5 millions à 800 000.
• De 1996 à 2004 (le secteur des transports n’est alors plus comptabilisé) on passe de 360 000 à 193 000 journées de grève. Près de 2 fois moins sur la période !
• À partir de 2005 (le ministère rapporte les journées de grève au nombre de salariés), le taux diminue de 160 journées de grève pour 1 000 salariés à un peu plus de 50 en 2021, nouvelle division par 3 !
MOINS de syndiqués, MOINS d’actions syndicale, MOINS d’avancées sociales… PLUS d’injustices !
2. Des conséquences délétères
L’affaiblissement des contre-pouvoirs syndicaux a des conséquences collectives et individuelles dramatiques
Transfert de richesse :
Entre 2003 et 2023 :
• Le poids des 500 plus grosses fortunes Françaises est passé de 124 Mds à 1170 Mds et représentait 5% du PIB de la Nation contre presque 50 %. Soit 10 fois plus en 20 ans !
• Les dividendes versés par le CAC 40 sont passés de 14,1 Mds d’euros en 2003 à 67 Mds. Soit près de 5 fois plus !
• Le salaire moyen brut mensuel est lui passé sur la même période de 27902 euros annuel à 43590.
Un peu plus de 1,5 fois !
Fragilisation de la Sécurité Sociale
Retraite : les innombrables réformes mènent une attaque destructrice qui augmente les durées de cotisations et l’âge légal de départ.
Nous sommes ainsi passés d’une durée de 37,5 à 43 annuités et de 60 à 64 ans ! De plus le salaire annuel moyen est calculé sur les 25 meilleures années au lieu de 10 et la revalorisation des retraites se fait en fonction de l’indice des prix à la consommation et non plus en fonction de l’augmentation des salaires. Le résultat est sans appel et amène une baisse de la pension et de sa durée de service.
Assurance Maladie : Depuis plusieurs décennies le Patronat bien aidé par la plupart des gouvernements successifs met à mal le principe fondateur de notre Sécu : « Chacun paye selon ses moyens et bénéficie selon ses besoins » … Ainsi, depuis la création du Régime Général de Sécurité Sociale en 45 ce n’est pas moins de 130 « réformes » qui se succèdent… Depuis, des franchises médicales aux participations forfaitaires, des forfaits journaliers aux dépassements d’honoraires, de baisse des taux de remboursement des soins et des médicaments à ceux des indemnités journalières, la prise en charge globale de l’Assurance maladie est passée de 90% à sa création à 67% pour les soins de ville…
Dans un Pays qui vient de passer le cap de 15% de sa population vivant sous le seuil de pauvreté, le reste à charge en soins de santé explosent atteignant 13Mds d’euros augmentant ainsi les inégalités sociales de santé.
Le nouveau plan Bayrou annoncé cet été (doublement des franchises, réduction de la durée des Indemnités Journalières, attaque sur les ALD, année blanche sur les prestations…) est la dernière attaque d’ampleur contre l’institution…
Travail Social : Le travail social a été fortement impacté par des décennies de logique de rentabilité pour une activité, l’accompagnement d’êtres humains par d’autres êtres humains, qui par nature ne peut être régie par un objectif comptable.
Les différentes méthodes utilisées pour analyser l’activité et obtenir des résultats quantitatifs assortis d’objectifs évalués au moyen d’indicateurs ont progressivement pris le pas sur la pratique professionnelle.
Ces méthodes entrainent une souffrance au travail croissante source de stress, de perte de sens, une augmentation des arrêts de travail et des attributions de pension d’invalidité pouvant contribuer pour certains à des gestes ultimes.
Le nombre de reconversions professionnelles et de démissions pour échapper à ce climat de travail délétère sont en constante augmentation.
La non-reconnaissance salariale contribue également aux départs de certains et à la non-attractivité de ces métiers dans nos institutions.
Des lois régressives
Depuis 2007 les lois régressives s’enchainent actant les reculs sociaux, fragilisant le monde du travail et les finances publiques au seul profit du grand capital : RGPP, Loi travail, loi Macron 1 et 2, CICE…
Notons plus particulièrement les ordonnances travail (loi « Macron 1 ») de 2017, qui suppriment les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), qui sont désormais transformés en simple commission (CSSCT) dépendant intégralement des CSE. Dans son rapport «La santé au travail, grande perdante des ordonnances 2017» paru en juin 2024, l’IRES pointe les nombreux effets négatifs, mesurables, qui démontrent clairement que cette loi a dégradé la santé et la sécurité des salariés au travail : perte de pouvoir des élus sur ces questions, reprise en main par les employeurs de la santé et de la sécurité au travail via la QVT et donc « maquillage » de ces questions, perte de proximité entre élus et salariés, suivi des sujets RPS devenu très difficile voire impossible dans certaines entreprises, appauvrissement du droit syndical en la matière.. . Ce sabotage organisé a des conséquences immédiates :
• Plus de 1000 accidents mortels du travail et de trajet sont recensés chaque année pour les seuls salariés du régime général.
• Plus de 3000 décès annuels sont dus aux Maladies Professionnelles.
• Les suicides au travail sont largement invisibilisés selon la même étude.
• La France est devenue la championne d’Europe en matière d’AT mortels en 2022.
Explosion du mal-être au travail et plus particulièrement chez les cadres
Les derniers chiffres du burn-out en France sont préoccupants selon plusieurs organismes.
Selon l’Institut de veille sanitaire, 480 000 personnes en France sont concernées par un état de souffrance au travail, dont 7 % (soit environ 30 000 individus) seraient spécifiquement touchées par le burn-out.
Le baromètre 2023 du cabinet Empreinte Humaine (Opinion Way) estime que 2,5 millions d’actifs présentent un risque d’épuisement sévère.
Selon une étude de l’Association pour l’emploi des cadres (Apec) publiée en septembre 2022, 1 cadre sur 4 estime que sa santé mentale s’est dégradée au cours des années précédentes. Pour les managers, c’est pire : 65 % ont la sensation d’une charge de travail insurmontable, 62 % ressentent un sentiment d’épuisement professionnel et 64 %, un stress intense.
Quand le syndicalisme s’efface tout se dégrade, tout se déplace… Son déclin ne peut qu’aiguiser l’appétit des détenteurs du capital.