Sous l’effet de l’ouverture souhaitée par Georges Séguy et du caractère exponentiel des prérogatives institutionnelles confiées par les pouvoirs publics aux syndicats en général, dont la CGT, un gonflement de l’appareil confédéral se fait jour. Le nombre de secrétaires confédéraux passe de 14 en 1965 à 16 en 1975 et celui de leurs collaborateurs de 33 à 91.
Cela renvoie t’il l’image d’une CGT de plus en plus accaparée par la fonction régulatrice du syndicalisme et en voie «d’intégration à l’appareil d’Etat» comme le dénonce André Barjonet lorsqu’il démissionne le 23 mai 1968 de ses responsabilités au secteur économique de la CGT ?
Toujours est-il qu’une montée en puissance de la professionnalisation du syndicalisme se produit, encouragée par son institutionnalisation de plus en plus manifeste.
L’année 1975 illustre assez bien les mutations en cours. Le décès de Benoît Frachon marque symboliquement la fin d’une époque. La Confédération qu’il a dirigé pendant plus de 20 ans enregistre alors un score de 38,1% aux élections des comités d’entreprise alors qu’elle était encore majoritaire au milieu des années 60.
Ses effectifs sont à la veille de décliner sur fond de désyndicalisation généralisée. La conjoncture économique s’est retournée et la désindustrialisation s’apprête à saper ses bases traditionnelles.
Les défis à relever par la vieille du syndicalisme français sont impressionnants.
Quand s’ouvre le congrès du Bourget en juin 1975, les effets de mai 68 se font encore sentir. Les travaux s’ouvrent sur deux questions : les effets sur les travailleurs de l’approfondissement de la crise économique et les conséquences possibles de l’application du Programme commun de gouvernement.
Le premier choc pétrolier signe l’entrée dans une crise structurelle du capitalisme, des bouleversements considérables vont se produire et déstabiliser l’économie mondiale.
La mise en concurrence est une jungle planétaire pour les entreprises, l’industrie nationale est sévèrement marquée ; les plans de licenciement touchent la sidérurgie, les mines, le textile, la navale, la construction automobile.
Les demandeurs d’emploi passent de 400000 en 1974 à 1631000 en mai 1981, la régression s’installe.
Les politiques patronales et gouvernementales creusent le lit des crises. Leurs réponses est la compression des salaires, la prolifération des emplois précaires, les attaques contre les «rigidités» du système social…