Lettre du 1er Ministre à la CGT et communiqué de presse confédéral

Quand Édouard Philippe écrit à la CGT pour expliquer que son projet de retraite est tellement bien que ce n’est pas la peine d’en débattre !
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Monsieur le Secrétaire Général, 

Le débat au Parlement sur le projet de loi instituant un système universel de retraites fait face à une obstruction systématique. Après deux semaines de débat, les discussions n’ont pas dépassé l’article 8 d’un projet qui en compte 65 et près de 30 000 amendements restent à examiner. Je suis soucieux que ce texte, qui comporte de nombreuses avancées sociales, notamment le minimum de retraites, puisse entrer en vigueur avant la fin de cette législature. J’ai donc sollicité du Conseil des ministres l’autorisation d’engager la responsabilité de mon Gouvernement sur ce projet, conformément à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. 

J’ai bien conscience que le projet de loi réformant notre système de retraites est un texte complexe, parce qu’il mêle des enjeux de court et très long termes, qu’il mobilise des logiques économiques, démographiques et sociales, qu’il corrige pour le futur des injustices et, ce faisant, les révèle fortement dans la situation actuelle. Je comptais sur le débat parlementaire pour que cette réforme soit débattue et expliquée, et je regrette que la première lecture ne l’ait pas permis. 

Je souhaite toutefois vous apporter un éclairage sur la manière dont le texte s’est enrichi, à la fois des concertations que le Gouvernement a menées avec les partenaires sociaux, et des amendements des députés. 

Le texte sur lequel j’engage la responsabilité de mon gouvernement n’est en effet pas le texte initial. Il a fortement évolué, grâce au travail parlementaire et grâce aux deux derniers mois de concertation entre le Gouvernement et les partenaires sociaux. 

Comme je m’y étais engagé au cours de notre réunion multilatérale du 13 février dernier, le Gouvernement a introduit des amendements pour traduire les avancées issues de la concertation sur les sujets liés à la pénibilité, à l’emploi des seniors et aux transitions. Ces avancées portent notamment sur le renforcement du compte professionnel de prévention, la prévention de la pénibilité dans les branches professionnelles, l’amélioration du recours au dispositif d’incapacité professionnelle, le développement de la retraite progressive et du compte épargne temps, dans les entreprises comme dans le secteur public. Elles rendent également plus protectrices les modalités de calcul des droits acquis avant 2025. 

Le travail du Gouvernement avec la majorité parlementaire, et, au-delà, avec de nombreux députés, a en outre permis d’améliorer le texte sur des aspects de justice sociale dont certains partenaires sociaux avaient régulièrement souligné l’importance : les droits à retraite pour les personnes handicapées, pour les jeunes, pour les femmes, pour les familles. 

C’est donc un texte complété, enrichi, amélioré, sur lequel j’engage la responsabilité du Gouvernement. Je veux ici remercier les partenaires sociaux d’avoir contribué à ces évolutions significatives. Elles témoignent de la force que peut avoir un dialogue social sincère et illustrent les potentialités du renforcement mutuel de la démocratie sociale et de la démocratie parlementaire. 

C’est dans cet état d’esprit que je veux aborder la suite du processus législatif. Car je tiens à l’affirmer clairement : la fin des débats en première lecture à l’Assemblée nationale ne constitue pas un aboutissement. Nous pouvons, nous devons, faire encore évoluer le texte du projet de loi. 

La conférence sur l’équilibre et le financement du système de retraite, que nous avons installée ensemble au Conseil économique, social et environnemental le 30 janvier dernier, poursuit en effet ses travaux. Elle devra proposer d’ici la fin du mois d’avril, et donc avant la seconde lecture, des mesures permettant d’assurer l’équilibre du système de retraite à l’horizon 2027. 

Je sais que beaucoup de partenaires sociaux estiment que ces mesures, et notamment celles consistant à demander aux Français de travailler plus longtemps, ne seront considérées comme justes que si elles sont accompagnées de dispositifs prenant en compte la pénibilité de certaines situations de travail. Il nous faut en effet construire un système plus individualisé et tenant davantage compte de la diversité des carrières. 

Si, comme je le souhaite, la conférence trouve un accord sur ces sujets, le Gouvernement le reprendra dans la loi. A défaut, je l’ai dit, je prendrai mes responsabilités, aussi bien en matière de retour à l’équilibre qu’en matière de pénibilité. Les Français ne comprendraient pas qu’il en aille autrement. 

Enfin, j’ai bien entendu les demandes de certains partenaires sociaux relatives à la gouvernance du futur système de retraite universel. Le Gouvernement a proposé qu’ils disposent de larges prérogatives, dans un cadre financier pluriannuel fixé par le Parlement. Je suis disposé à apporter des compléments et à renforcer encore leur rôle. Nous pouvons partager que ces évolutions seront d’autant plus justifiées que nous aurons collectivement réussi, dans le cadre de la conférence du financement, à assurer l’équilibre financier de notre système de retraite dans les prochaines années. 

Universalité, justice sociale et responsabilité sont les trois piliers sur lesquels nous construisons le système de retraite universel, conformément aux engagements du Président de la République. Je sais pouvoir compter sur les partenaires sociaux pour que la concertation qui se poursuit permette de les renforcer, au bénéfice des Français et des générations futures. 

Je forme le vœu qu’un accord ambitieux sur ces points permette d’aborder la nouvelle lecture dans un cadre apaisé, afin que cette grande réforme de progrès social puisse être sereinement débattue devant les Français. 

 

Je vous prie de croire, Monsieur le Secrétaire Général, à l’assurance de mes sentiments les meilleurs.

 

Faute de convaincre, le gouvernement choisit la contrainte et le passage en force !

Samedi, à la suite d’un conseil des ministres annoncé comme dédié aux mesures de prévention contre le coronavirus, on apprenait que le président de la république et le 1er ministre choisissaient d’utiliser l’article 49-3 de la constitution dans le but de couper court aux débats contradictoires à l’assemblée nationale concernant le projet de réforme sur les retraites.

Profiter d’un problème sanitaire grave pour essayer de régler en catimini un conflit social majeur, est pour le moins surprenant voire franchement indécent.

Une nouvelle fois et comme le dénonce la CGT depuis des mois, le gouvernement affiche sa conception du dialogue et de l’écoute … alors qu’il devient compliqué de contesté le rejet massif de ce projet de loi par une très grande majorité de l’opinion publique. Nous sommes bien loin des déclarations présidentielles concernant un soi-disant acte 2 du quinquennat.

Dans la même idée, le premier ministre persiste et signe en écrivant samedi aux organisations syndicales un courrier vantant sa réforme, son esprit d’ouverture et la prise en compte des revendications syndicales dans son projet de loi. INCROYABLE ! Comment dans ces conditions, donner du crédit aux futures « concertations » gouvernementales ?

Face à un tel mépris de la démocratie, la CGT appelle à une riposte massive dans la continuité des mobilisations débutées le 5 décembre. Elle appelle l’ensemble du monde du travail, les retraités et la jeunesse à participer à des rassemblements dès aujourd’hui devant les lieux de pouvoir, symbole de la république mise à mal.

Elle appelle avec l’intersyndicale à faire de la journée du mardi 3 mars, une grande journée de grève et de mobilisations contre ce déni de démocratie.

Montreuil, le 2 mars 2020

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